mardi 30 mars 2010

Procès en appel de l'Erika : Responsabilités pénale, civile, Convention CLC et préjudice écologique

Comme prévu nous nous livrons aux premiers commentaires et informations sur la décision rendue en fin de matinée par la Cour d'appel de Paris dans l'affaire Erika.

Tout d'abord, la Cour a confirmé le jugement de première instance en ce qui concerne le volet pénal et les condamnations relatives à Messieurs SAVARESE, POLLARA (75.000 euros d'amende), la Société RINA et TOTAL S.A. (375.000 euros).
La confirmation de la condamnation de la RINA, société de classification est une avancée certaine du point de vue du droit maritime et de la responsabilité des différents acteurs. Il en est de même pour la société TOTAL S.A au nom de laquelle le navire avait été affrété.
Ensuite, on note que si le rôle de TOTAL S.A. est confirmé du point de vue de la causalité pénale (imprudence essentiellement), sa responsabilité n'est pas retenue du point de vue civil, en raison de l'opposabilité de la Convention CLC de 1992 sur la Responsabilité civile à sa situation juridique d'affréteur en l'espèce (personne "protégée" par la Convention). Ce raisonnement donnera lieu à commentaires dans la mesure où la faute prévue par la Convention CLC, et de nature à faire disparaître la canalisation de responsabilité vers le propriétaire de navire, peut-être vue comme étant la faute reconnue à l'encontre de TOTAL S.A au niveau pénal. La Cour n'a pas retenu cette interprétation.
La conséquence évidente en est surtout que le paiement des indemnisations accordées aux parties civiles ne concernera pas TOTAL S.A., mais "uniquement" et solidairement, Messieurs SAVARESE, POLLARA et la société RINA, dont la solvabilité ne semble pas être suffisante pour couvrir les dizaines de millions d'euros objet du volet civil.

Enfin, et surtout, la décision affirme et précise la notion de préjudice écologique en dépassant les seules "atteintes à l'environnement" admises par le Tribunal en première instance, par la reconnaissance de préjudice moral résultant d'atteinte à l'intégrité du patrimoine naturel des Régions et départements, et par le préjudice écologique "pur" dont ont été victimes les communes elles-mêmes.

Ce dernier point est sans aucun doute l'avancée majeure de cette décision de la Cour d'appel de Paris, décision également historique du point de vue de la jurisprudence en matière de pollution marine. La reconnaissance de l'intérêt à agir des communes en la matière (préjudice écologique / atteinte au territoire assiette de compétences communales) qui avait été écartée en première instance est également un succès, y compris en tenant compte de la loi sur la responsabilité environnementale du 1er août 2008. Ensuite, l'évaluation fondée notamment sur la surface de l'estran touché par la marée noire constitue une avancée pour préciser les éléments à intégrer dans l'indemnisation, et protéger les écosystèmes littoraux.

Nous avons travaillé personnellement sur les fondements juridiques de cet intérêt à agir et mis au point la caractérisation du préjudice écologique invoqué par les communes de Loire-Atlantique et de Vendée, ainsi que sa méthodologie d'évaluation, aussi cette décision est une grande satisfaction (sur ce point), que nous partageons avec les élus de ces collectivités et leurs avocats.
La lecture de l'arrêt nous permettra d'aller plus loin dans notre analyse et commentaire ici même.

Yann Rabuteau

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ces précisions qui apportent un peu de clarté dans les informations fournies par les médias. Allez-vous publier un commentaire de la décision ?

Merci, JP

Anonyme a dit…

bonjour,
quelle est la disposition de CLC qui vise le propriétaire et protège les affréteurs ?

merci