Suite à l'échouement du cargo battant pavillon Maltais "TK BREMEN" sur la plage de Kerminihy, commune d'Erdeven à proximité de la Ria d'Etel, Morbihan, dans la nuit du 15 au 16 décembre, nous faisons un premier point sur les aspects juridiques soulevés par ce nouvel accident maritime impliquant une pollution par hydrocarbures.
Cette affaire nous donne l'occasion de mettre (malheureusement) à l'épreuve des faits les évolutions juridiques récentes en matière de pollution accidentelle, évolutions que nous avions déjà pu exposer sur ENVMAR.
A priori deux ensembles trouvent à s'appliquer : La responsabilité pénale et la responsabilité civile. A ces deux ensembles correspondent en effet des évolutions qui, pour la France, trouvent une première application.
La responsabilité pénale : le délit de pollution marine accidentelleA priori deux ensembles trouvent à s'appliquer : La responsabilité pénale et la responsabilité civile. A ces deux ensembles correspondent en effet des évolutions qui, pour la France, trouvent une première application.
En dehors des autres bases d'incrimination qui pourraient être éventuellement retenues, nous insistons sur l'infraction dédiée en l'espèce : le délit de pollution marine accidentelle de l'article L.218-19 du Code de l'environnement, tel qu'issu de la loi du 1er août 2008 sur la Responsabilité Environnementale et modifié par l'ordonnance du 21 octobre 2010.
A la lecture de ces dispositions, les faits punissables sont : "(...) pour tout capitaine de provoquer par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, ou de ne pas prendre les mesures nécessaires pour l'éviter, lorsque cet accident a entraîné une pollution des eaux".
Il y a donc en préalable l'existence d'un accident de mer, ce qui distingue ces faits des cas de pollutions opérationnelles (volontaires) réprimées par ailleurs. Le Code de l'environnement vise la Convention de 1969 afin de fonder une définition de l'accident de mer ; c'est l'article II de cette convention qui apporte la précision nécessaire :
"un abordage, un échouement, un accident de navigation survenu à bord ou à l'extérieur du navire qui aurait pour conséquence soit des dommages matériels, soir une menace de dommages matériels dont pourrait être victime un navire ou sa cargaison".
La situation du BREMEN s'inscrit bien dans cette lecture de l'accident de mer et permet donc d'invoquer l'article L.218-19 comme base d'incrimination.
Les personnes responsables :
L'article L.218-19 vise en premier chef le capitaine du navire mais son alinéa IV permet également de mettre en cause "les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer".
Les sanctions :
Ici les évolutions sont importantes puisque la loi de 2008 sur la responsabilité environnementale à organisé les sanctions de la manière suivante :
"1° 400 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
2° 800 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou d'une plate-forme entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 ;
3° 4, 5 millions d'euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 et qu'elle a pour conséquence, directement ou indirectement, un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement ;
4° 7, 5 millions d'euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 et qu'elle a pour conséquence, directement ou indirectement, un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement".
Surtout, le Code de l'environnement prévoit une aggravation des sanctions en tenant compte des faits ayant conduit à l'accident de mer et des conséquences de la pollution :
"II. - Lorsque les infractions mentionnées au I ont pour origine directe ou indirecte soit la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer, les peines sont portées à :
1° 6 000 euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire n'entrant pas dans les catégories définies aux articles L. 218-12 ou L. 218-13 ;
2° Trois ans d'emprisonnement et 4, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
3° Cinq ans d'emprisonnement et 7, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 ou d'une plate-forme". (Ce qui semble être le cas étant donné les + de 6.000 tonnes du TK BREMEN qui, de plus, n'est pas un navire citerne).
Ensuite, le dispositif de sanctions tient compte de la gravité de l'atteinte à l'environnement elle-même :
"III.-Lorsque les infractions mentionnées au II ont pour conséquence directe ou indirecte un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement, les peines sont portées à:
1° Cinq ans d'emprisonnement et 7, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
2° Sept ans d'emprisonnement et 10, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13".
Voici pour les éléments essentiels du dispositif pénal dédié au cas de pollution accidentelle à partir d'un navire et qui devra, en fonction de suites, tenir compte également du lieu de l'accident (a priori dans les eaux intérieures).
La responsabilité civile :
Il s'agit ici d'envisager les aspects juridiques liés à la réparation des dommages consécutifs à la pollution elle-même : opération de pompage, démantèlement du navire (probablement), opérations de nettoyage, remise en état du site, préjudices économiques, atteintes à l'environnement voire préjudice écologique...et à l'action des victimes : Etat, collectivités publiques, professionnels de la mer et des cultures marines, associations de protection de l'environnement...
La situation du BREMEN est assez innovante pour ces aspects réparation / indemnisation du fait qu'il ne s'agit pas d'un navire-citerne (exclusion des conventions CLC et Fipol) et que la pollution provient des soutes du navire et non de sa cargaison.
De fait, il s'agira de traiter la situation de la responsabilité civile du propriétaire de navire par référence à la nouvelle Convention "BUNKER" de 2001, entrée en vigueur en 2008 (en novembre 2010 à l'égard de la France), précisément dédiée à l'indemnisation des dommages issus d'une pollution par fuel de soute d'un navire autre que citerne.
Le régime mis en place par cette convention est proche de la responsabilité civile du propriétaire de navire de la Convention CLC de 1992 en associant responsabilité limitée, objective et canalisée (avec toutefois plus de latitude dans les personnes visées), tout en s'en distinguant par l'absence d'un Fonds international d'indemnisation comme le Fipol.
Dans un premier temps, le propriétaire du navire garantira sa responsabilité civile à un niveau pré-déterminé par la Convention BUNKER, par la constitution d'un fonds de limitation dont la solvabilité est elle-même garantie par une assurance obligatoire (couverte ici par le Skuld, P&I club du navire).
On notera que la somme maximale disponible au titre de la Convention BUNKER dépendra de la jauge du navire et d'une unité de compte exprimée en DTS (Droit de Tirage Spécial). La somme exacte sera déterminée en fonction de la jauge du navire, soit 6.605 tonnes à notre connaissance, ce qui ne devrait pas excéder 2,5 millions d'Euros.
Il est très probable que la somme des dommages recevables ou non dans le cadre des conventions sur la responsabilité civile, soit supérieure à la limitation de responsabilité du propriétaire / exploitant d'où, sans doute, des actions à mener pour obtenir une indemnisation complémentaire...
Nous suivrons les développements de cette affaire et nous tiendrons à disposition des victimes pour les assister dans le montage et le suivi de leur demandes d'indemnisation.
A la lecture de ces dispositions, les faits punissables sont : "(...) pour tout capitaine de provoquer par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, ou de ne pas prendre les mesures nécessaires pour l'éviter, lorsque cet accident a entraîné une pollution des eaux".
Il y a donc en préalable l'existence d'un accident de mer, ce qui distingue ces faits des cas de pollutions opérationnelles (volontaires) réprimées par ailleurs. Le Code de l'environnement vise la Convention de 1969 afin de fonder une définition de l'accident de mer ; c'est l'article II de cette convention qui apporte la précision nécessaire :
"un abordage, un échouement, un accident de navigation survenu à bord ou à l'extérieur du navire qui aurait pour conséquence soit des dommages matériels, soir une menace de dommages matériels dont pourrait être victime un navire ou sa cargaison".
La situation du BREMEN s'inscrit bien dans cette lecture de l'accident de mer et permet donc d'invoquer l'article L.218-19 comme base d'incrimination.
Les personnes responsables :
L'article L.218-19 vise en premier chef le capitaine du navire mais son alinéa IV permet également de mettre en cause "les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer".
Les sanctions :
Ici les évolutions sont importantes puisque la loi de 2008 sur la responsabilité environnementale à organisé les sanctions de la manière suivante :
"1° 400 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
2° 800 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire ou d'une plate-forme entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 ;
3° 4, 5 millions d'euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 et qu'elle a pour conséquence, directement ou indirectement, un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement ;
4° 7, 5 millions d'euros d'amende lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 et qu'elle a pour conséquence, directement ou indirectement, un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement".
Surtout, le Code de l'environnement prévoit une aggravation des sanctions en tenant compte des faits ayant conduit à l'accident de mer et des conséquences de la pollution :
"II. - Lorsque les infractions mentionnées au I ont pour origine directe ou indirecte soit la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer, les peines sont portées à :
1° 6 000 euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire n'entrant pas dans les catégories définies aux articles L. 218-12 ou L. 218-13 ;
2° Trois ans d'emprisonnement et 4, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
3° Cinq ans d'emprisonnement et 7, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13 ou d'une plate-forme". (Ce qui semble être le cas étant donné les + de 6.000 tonnes du TK BREMEN qui, de plus, n'est pas un navire citerne).
Ensuite, le dispositif de sanctions tient compte de la gravité de l'atteinte à l'environnement elle-même :
"III.-Lorsque les infractions mentionnées au II ont pour conséquence directe ou indirecte un dommage irréversible ou d'une particulière gravité à l'environnement, les peines sont portées à:
1° Cinq ans d'emprisonnement et 7, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-12 ;
2° Sept ans d'emprisonnement et 10, 5 millions d'euros d'amende, lorsque l'infraction est commise au moyen d'un navire entrant dans les catégories définies à l'article L. 218-13".
Voici pour les éléments essentiels du dispositif pénal dédié au cas de pollution accidentelle à partir d'un navire et qui devra, en fonction de suites, tenir compte également du lieu de l'accident (a priori dans les eaux intérieures).
La responsabilité civile :
Il s'agit ici d'envisager les aspects juridiques liés à la réparation des dommages consécutifs à la pollution elle-même : opération de pompage, démantèlement du navire (probablement), opérations de nettoyage, remise en état du site, préjudices économiques, atteintes à l'environnement voire préjudice écologique...et à l'action des victimes : Etat, collectivités publiques, professionnels de la mer et des cultures marines, associations de protection de l'environnement...
La situation du BREMEN est assez innovante pour ces aspects réparation / indemnisation du fait qu'il ne s'agit pas d'un navire-citerne (exclusion des conventions CLC et Fipol) et que la pollution provient des soutes du navire et non de sa cargaison.
De fait, il s'agira de traiter la situation de la responsabilité civile du propriétaire de navire par référence à la nouvelle Convention "BUNKER" de 2001, entrée en vigueur en 2008 (en novembre 2010 à l'égard de la France), précisément dédiée à l'indemnisation des dommages issus d'une pollution par fuel de soute d'un navire autre que citerne.
Le régime mis en place par cette convention est proche de la responsabilité civile du propriétaire de navire de la Convention CLC de 1992 en associant responsabilité limitée, objective et canalisée (avec toutefois plus de latitude dans les personnes visées), tout en s'en distinguant par l'absence d'un Fonds international d'indemnisation comme le Fipol.
Dans un premier temps, le propriétaire du navire garantira sa responsabilité civile à un niveau pré-déterminé par la Convention BUNKER, par la constitution d'un fonds de limitation dont la solvabilité est elle-même garantie par une assurance obligatoire (couverte ici par le Skuld, P&I club du navire).
On notera que la somme maximale disponible au titre de la Convention BUNKER dépendra de la jauge du navire et d'une unité de compte exprimée en DTS (Droit de Tirage Spécial). La somme exacte sera déterminée en fonction de la jauge du navire, soit 6.605 tonnes à notre connaissance, ce qui ne devrait pas excéder 2,5 millions d'Euros.
Il est très probable que la somme des dommages recevables ou non dans le cadre des conventions sur la responsabilité civile, soit supérieure à la limitation de responsabilité du propriétaire / exploitant d'où, sans doute, des actions à mener pour obtenir une indemnisation complémentaire...
Nous suivrons les développements de cette affaire et nous tiendrons à disposition des victimes pour les assister dans le montage et le suivi de leur demandes d'indemnisation.
Yann Rabuteau - Réseau ALLEGANS
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